Le vrai obstacle au départ des femmes victimes de violence n’est pas la dépendance matérielle, mais la dépendance psychologique.
De nos jours, les femmes sont conscientes que la violence physique n’est pas acceptable, mais elles le sont bien moins en ce qui concerne la violence psychologique.
Les traces d’une agression physique finissent par s’estomper, tandis que les injures, les humiliations laissent des marques indélébiles.
Même si la personne a réussi à sortir de la relation abusive, les conséquences de la violence se prolongent dans un stress post-traumatique ; les souvenirs anxieux qui refont surface, la femme est enfermée en elle-même, sa perception que le monde extérieur est hostile, un sentiment de dévalorisation et une perte de confiance en soi à force de subir une disqualification permanente du conjoint.
Les conséquences de la violence familiale chez l’enfant sont multiples. Certains d’entre eux développeront ainsi une grande perméabilité à la violence et considérer celle-ci comme une façon normale de résoudre des conflits.
La violence n’a pas de sexe. Les femmes aussi savent être violentes et quand elles le peuvent, elles utilisent tout autant que les hommes les outils du pouvoir.
La difficulté qu’ont les femmes à quitter un conjoint violent peut s’expliquer en faisant le parallèle avec le syndrome de Stockholm. Un lien se crée entre la victime et le bourreau. Ce même phénomène a été observé entre les otages et leurs ravisseurs, lors d’une prise d’otage. La victime finit par accepter la situation et s’adapte à l’état mental de son conjoint. Elle devient d’accord avec ses justifications et la victime perd le sens de ce qui est bien ou mal. Ce syndrome est un mécanisme de protection pour les victimes, car cela les empêche de réagir violemment, ce qui mettrait en danger leur sécurité et celle de leurs enfants.
Les pires tyrans sont ceux qui savent se faire aimer.
Témoignages
Bonjour,
Il me fait plaisir d’être parmi vous aujourd’hui pour vous parler d’une partie de mon vécu. Il y a presque cinq ans, j’ai eu recours à l’aide précieuse et indispensable du Séjour La Bonne Œuvre. Mais avant, laissez-moi vous situer.
J’ai dû quitter une vie de couple qui durait depuis 13 ans. La seule solution était que si je ne quittais pas la maison, je sentais que mon équilibre psychologique était pour basculer, je n’en pouvais plus. Vous savez, la violence subtile et insidieuse, cette violence que personne ne voit, que la seule personne à même de la constater, ne peut être que la personne qui la vit. Vous êtes seule à la voir puisque vous n’avez plus personne autour de vous pour vous aider, il s’est bien assuré au fil des ans de vous isoler. Cette violence qui est subtile et vicieuse comme un serpent, elle entre dans votre vie sans que vous vous en aperceviez, jusqu’au jour où vous sentez que vous allez vous perdre, que votre raison s’enfonce dans un abîme sans fond.
Vous savez, de plus en plus les hommes qui font de la violence conjugale le font de façon passive, car ils savent que physiquement les marques qu’ils laissent sont visibles et prouvables tandis que quand ils vous blessent sur le plan psychologique, il n’y a que la personne visée qui en est témoin. Ils savent aussi maintenant qu’avec les ressources mises en place pour aider les femmes, la violence physique n’est plus possible si l’on veut garder en secret le plein contrôle. Ce qui n’empêche pas toutefois la violence physique à 100%, mais comme dans toute chose, ils ont su adapter leurs comportements en fonction des réalités de la société, la violence psychologique est d’autant plus pratique pour vous diminuer, vous anéantir.
Eh bien moi, cette violence, je l’ai vécue. Je l’ai vraiment réalisé quelques mois après ma séparation. J’ai réalisé que ce que j’avais enduré pendant 13 ans, c’était la domination sous toutes ses formes, que j’avais été victime de violence conjugale. J’ai donc eu recours à l’aide du Séjour. Elles m’ont accueillie et hébergée, moi et mes quatre enfants. J’ai eu la chance d’avoir un suivi avec une intervenante, de participer à des ateliers sur l’estime de soi, ce qui est important si on ne veut pas reproduire la même erreur. Mes enfants quant à eux ont eu un suivi avec une intervenante jeunesse qui a évalué les impacts de la séparation ainsi que leurs conditions psychologiques en général. Ils m’ont aidé à refaire le point et à me sentir mieux. Avec les outils qu’elles m’ont donnés, j’étais en mesure de continuer ma vie.
Vous savez, on imagine souvent la violence conjugale avec une certaine vision. On a une image bien arrêtée de celle-ci. Laissez-moi vous dire que la violence conjugale sous toutes ses formes, physique et psychologique, n’a malheureusement pas de classe sociale, pas d’ethnie, pas de regard sur ton degré de scolarité, du nombre d’enfants que tu as, du pays où tu vis. J’en suis la preuve vivante puisque j’ai un degré de scolarité assez élevé. Nous vivions dans une maison de 350,000$, nous avions deux véhicules de 50,000$, nous faisions des voyages, nous allions régulièrement au restaurant. Le seul problème, tu ne peux même pas t’acheter des bobettes S’IL NE L’A PAS DÉCIDÉ… ou tu te fais dire à tout bout de champ : « T’es bien toi hein, les autres femmes qui travaillent peuvent pas se permettre ça… Avoir su, j’t’aurais envoyé travailler à l’extérieur, je ne me serais pas ruiné. Les garderies s’occupent mieux des enfants que les mères au foyer, c’est prouvé ! ». Vous voyez ce genre de phrases qui vous rabaissent constamment.
Vous devinerez ici que j’étais mère au foyer, par choix… un des seuls que j’ai pu faire d’ailleurs et que je ne regrette pas. Je pourrais bien sûr vous raconter des histoires d’horreur encore pire… mais je crois que vous comprenez le genre de vie que nous devons subir quand nous vivons de la violence psychologique. Le pire, je crois, c’est que tout le monde t’envie, que tu sembles avoir une vie de rêve et ne te crois pas quand tu essaies de leur expliquer. Mais bon… j’ai eu recours une deuxième fois au soutien du Séjour La Bonne Œuvre, car on croit que quand on quitte ce genre d’individu, on sera libre. Eh bien, on se trompe royalement puisqu’une arme redoutable demeure à leur portée. Cette arme bien sûr, ce sont les enfants. Comment faire pour te faire du mal et te contrôler quand tu ne vis plus dans la même maison, si ce n’est que par les enfants.
J’ai donc dû, deux ans plus tard retourner consulter en suivi externe au Séjour La Bonne Œuvre. Comme l’intervenante me connaissait déjà, c’était plus facile de me faire aider. J’étais vraiment désemparée à l’idée de ne plus voir mon fils qui avait douze ans à l’époque, il en a eu quinze la semaine dernière et je ne le vois toujours pas, il refuse d’avoir tout contact avec moi. Grâce à mes suivis en externe, j’ai essayé de renouer les liens avec mon fils, mais je présume que quelqu’un faisait échouer mes tentatives. Quelques mois plus tard, j’ai redemandé de l’aide et mon intervenante m’a aidé à lâcher prise puisque rien ne semblait y faire.
Du même coup, j’étais en arrêt de travail suite à une année et demie en traitements d’un cancer du sein. Je me demandais si un retour aux études serait une bonne idée. Mon intervenante m’a appuyée tout au long du processus et j’étudie maintenant en Éducation Spécialisée au Cégep de Sherbrooke. Je termine ma première année avec brio d’ailleurs. Je voudrais d’ailleurs en profiter pour la remercier, qu’elle a été d’une aide précieuse.
Mais là s’arrête leur mandat. Je dois malheureusement conjuguer encore avec la violence dans mon quotidien puisque je ne réussis pas à prouver cette violence de serpent aux autorités concernées… Malgré le fait que j’essaie de prouver cette violence en voulant les extirper de ce milieu avec une garde complète, violence qui m’est encore faite et faite à mes enfants sous forme de dénigrement parental, de négligence, de violence physique et psychologique. Les intervenants en place dans mon dossier actuel se laissent charmer et embobiner par cet expert du charme et du mensonge, puisque sa vie n’est que duperie, contrôle et mensonge. La seule façon de poursuivre est le fait de me résilier à regarder cette violence comme une spectatrice, impuissante pour mes enfants et pour moi-même, si je veux garder un minimum de bien-être personnel et ne pas sombrer dans la déprime.
Merci encore à La Bonne Œuvre qui appuie les femmes dans la poursuite de leurs rêves…
A. F.
Témoignage fait lors d’une activité de financement organisée par Séjour La Bonne Œuvre.